Enseigner avec l’IA : repenser nos pratiques

Cet été, je me suis inscrite au cours en ligne The AI Fluency Lab, animé par Matt Miller, Ken Sheldon et Holly Clark. Chaque module aborde un aspect différent de l’utilisation de l’intelligence artificielle en éducation, et chacun m’a fait réfléchir sur nos pratiques, nos perceptions et nos choix pédagogiques.

Je vous propose donc une série d’articles pour partager mes réflexions et mes apprentissages issus de ces modules. Pour ceux et celles qui souhaiteraient suivre le cours (en anglais uniquement), il est disponible ici : The AI Fluency Lab.

L’enjeu des détecteurs d’IA : une fausse solution

On pense souvent que les détecteurs d’IA fonctionneront comme les détecteurs de plagiat, mais c’est faux. Pour bien comprendre la différence, il faut d’abord savoir comment fonctionnent ces derniers.

Les détecteurs de plagiat comparent le texte soumis à une immense base de données composée de pages web, d’articles scientifiques, de livres numérisés et, dans certains cas, de travaux d’élèves et d’étudiants déjà remis dans le même système. Leur objectif est de repérer des similarités textuelles : ils analysent les séquences de mots, les phrases et les structures pour voir si elles apparaissent ailleurs sous une forme identique ou proche. Certains outils vont plus loin en détectant les reformulations, mais leur analyse repose toujours sur la comparaison avec des textes existants. Ces systèmes sont donc utiles pour repérer des copiés-collés, mais ils ne jugent pas la qualité ou la compréhension du contenu.

Les détecteurs d’IA, eux, ne comparent pas un texte à une base connue. Ils essaient de prédire, grâce à des modèles statistiques, si un texte ressemble à un contenu généré par une IA. Cela les rend beaucoup plus incertains, et ils génèrent souvent des faux positifs. De plus en plus d’établissements choisissent de les mettre de côté en raison de leur manque d’efficacité, en plus de provoquer anxiété et méfiance chez les élèves et les étudiants.

C’est une question qu’on me pose souvent en formation : est-ce que les détecteurs deviendront la norme ou vont s’améliorer ? Personnellement, j’en doute. Il faut plutôt miser sur la transparence et le dialogue avec les élèves et les étudiants. L’objectif n’est pas de les pousser à développer des tactiques de contournement, mais de les éduquer à un usage éthique et réfléchi de l’IA.

Certains utilisent déjà des sites qui modifient leur texte pour éviter la détection, ou des requêtes dites adversariales, c’est-à-dire des instructions volontairement modifiées pour tromper les détecteurs d’IA. Par exemple, certains utilisateurs reformulent leurs textes, insèrent des mots invisibles ou altèrent la structure grammaticale afin que le contenu paraisse plus « humain » aux yeux de ces outils de détection (ou de leurs enseignants). De leur côté, des enseignants ajoutent des phrases invisibles pour piéger l’IA. Mais tout cela n’est qu’une course sans fin. Il faut plutôt s’attaquer à la racine du problème : la motivation.

Quand un élève ou un étudiant ne voit pas le sens d’une tâche, il la délègue à l’IA. La triche, après tout, n’est pas nouvelle : elle est souvent liée au manque de motivation ou de confiance en soi. Favoriser la pertinence et la motivation devient donc essentiel.

Soutenir la confiance et l’autonomie

Le concept de sentiment d’efficacité personnelle est central. Les élèves et les étudiants doivent croire en leur capacité de réussir. Cela passe par une progression graduelle (fragmenter les tâches, accompagner pas à pas) et par des encouragements explicites : Tu sais le faire.

Quatre idées reçues fréquentes

1. « Je veux juste savoir s’ils l’ont fait eux-mêmes. »
Lorsqu’on envoie des travaux à la maison, il faut reconnaître que les élèves et les étudiants ont toujours pu recevoir de l’aide — avant même l’arrivée de l’IA. Qu’il s’agisse d’un parent, d’un frère ou d’une sœur, l’accompagnement extérieur faisait déjà partie du processus. Aujourd’hui, ils ont simplement accès à d’autres formes d’aide, rendues possibles par les outils numériques.

2. « On n’a qu’à revenir au papier et crayon. »
Une solution à court terme, mais difficilement durable. Le monde numérique est réel : les écarter de l’IA, c’est ne pas les préparer adéquatement au monde d’aujourd’hui et de demain. L’important est de se questionner sur l’intention pédagogique derrière chaque choix. Utiliser le papier et crayon peut être tout à fait pertinent, à condition que ce soit pour de bonnes raisons : pour observer une démarche, renforcer une compétence particulière ou favoriser la réflexion. De la même façon, utiliser l’IA doit aussi être un choix intentionnel, intégré à l’apprentissage et réfléchi selon les objectifs du cours. L’essentiel est de ne pas employer le papier-crayon simplement pour éviter de se questionner sur l’usage de la technologie, mais de le faire avec une intention claire et éducative.

3. « Je le vois tout de suite quand c’est fait par une IA. »
Ce n’est plus aussi évident qu’avant. Certains élèves et étudiants peuvent désormais entraîner une IA à imiter leur ton, leur vocabulaire et leur manière d’écrire, rendant le résultat difficile à distinguer d’un texte humain. Si l’enseignant se fie uniquement à son intuition, il risque autant de se tromper dans un sens que dans l’autre. Il est donc plus productif de miser sur la motivation, l’engagement et la réflexion des élèves plutôt que sur la détection. L’enjeu n’est plus de repérer un texte généré, mais de comprendre comment l’outil a été utilisé dans le processus d’apprentissage.

4. « On peut l’utiliser, mais il suffit de la citer. »
Cette idée revient souvent, mais elle soulève plusieurs enjeux. Les modèles d’IA ne sont pas des sources au sens classique : leurs réponses ne sont pas stables ni attribuables à un auteur humain. Le véritable apprentissage se situe dans la démarche d’utilisation, pas dans la simple mention de l’outil.

Mettre le processus au cœur de l’apprentissage

L’emphase doit donc être mise sur le processus, pas seulement sur le produit final. Si l’IA peut produire un texte, c’est la démarche d’apprentissage, les choix et la réflexion de l’élève ou de l’étudiant qu’il faut valoriser.

Cela peut se traduire par des activités où les élèves et les étudiants doivent expliquer leur démarche : comment ils ont utilisé l’outil, ce qu’ils ont appris, quelles décisions ils ont prises. Ces moments de métacognition renforcent la compréhension et soutiennent l’apprentissage tout au long de la vie.

Quand l’IA banalise ou simplifie le produit, le processus devient la véritable preuve d’apprentissage. Il doit faire partie intégrante de l’évaluation.

Modéliser, collaborer, accompagner

Si l’on ne peut pas toujours « attraper » les élèves et les étudiants qui trichent, que faire ? La réponse passe par la modélisation et la collaboration :

  • Montrer comment on utilise soi-même l’IA de manière responsable.
  • Créer des activités collaboratives qui encouragent la discussion et la coconstruction.
  • Éviter les devoirs trop propices à l’usage exclusif de l’IA.

Même avec toutes ces bonnes pratiques, il serait irréaliste de s’attendre à un respect absolu des consignes. L’utilisation de l’IA en apprentissage comporte inévitablement des écarts, et notre rôle comme enseignants est aussi d’accompagner ces situations. Nous devons aborder ces écarts avec une posture éducative, en aidant les élèves et les étudiants à comprendre les attentes et à développer leur sens de l’éthique numérique, plutôt que de chercher une conformité parfaite.

L’essentiel est de ne pas pénaliser la majorité des élèves et des étudiants qui veulent apprendre à bien utiliser ces technologies. Il n’y a pas de solution unique : la clé repose sur le jugement professionnel et la compréhension du fonctionnement de l’IA.

Ce sont ces compétences, autant pour les enseignants que pour les élèves et les étudiants, qui les préparent vraiment à la vie d’aujourd’hui et de demain.

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